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Colloque "Emploi des 50+ - Le passage à l'action" - 29 avril 2025

  • Myriam Gorlier
  • 4 mai
  • 6 min de lecture



Le 29 avril 2025, le ministère du Travail et de l’Emploi a organisé une table ronde réunissant experts, représentants institutionnels, DRH de grandes entreprises internationales et acteurs associatifs. Animée par Nicolas Lagrange, journaliste, cette matinée a mis en lumière les défis démographiques, économiques et sociaux liés à l’emploi des salariés de 50 ans et plus, ainsi que les pratiques innovantes, notamment à l’international.

Ouverture par Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail

Astrid Panosyan-Bouvet a souligné que la prospérité collective repose sur le travail et que relever les défis démographiques impose de travailler davantage et plus longtemps. Elle a rappelé que la politique de sortie précoce du travail, instaurée notamment avec la retraite à 60 ans en 1983, a conduit à un sous-emploi massif des plus de 50 ans, souvent confrontés à des fins de carrière difficiles et à des discriminations liées à l’âge.

Face au double choc démographique – arrivée massive des baby-boomers à la retraite et allongement de la durée de vie – la ministre a insisté sur l’urgence économique, sociale et financière de mobiliser les seniors. Elle a annoncé un projet de loi pour transposer l’accord national interprofessionnel (ANI) de novembre 2024, visant à simplifier les dispositifs de transition professionnelle et à mieux accompagner les reconversions.

Par ailleurs, une campagne de communication contre l’âgisme sera lancée fin mai afin de valoriser les atouts des travailleurs expérimentés. France Travail formera ses conseillers aux spécificités des plus de 50 ans et proposera des parcours collectifs adaptés. Enfin, elle a insisté sur la nécessité d’adapter les réponses aux aspirations diverses des seniors, qu’ils souhaitent ralentir, transmettre, accélérer ou préparer leur retraite, saluant les entreprises déjà engagées dans ces démarches.


Enjeux démographiques et économiques

Vincent Touzé, économiste à Sciences Po, OFCE

L’évolution du taux d’emploi des 55-64 ans en Europe montre une progression générale depuis 2008, avec des gains particulièrement importants dans les pays en retard, comme la France (+15 %). Toutefois, un retard persiste sur la tranche 60-64 ans, notamment par rapport à l’Allemagne et aux pays nordiques.

Le taux d’emploi des seniors dépend à la fois des politiques publiques (âge légal, incitations) et des conditions de travail. Le mythe d’une baisse inévitable de la productivité avec l’âge persiste, alors que l’expérience compense souvent cette baisse individuelle. La productivité globale en France stagne depuis plusieurs années, compliquant la situation.

Travailler plus longtemps apparaît indispensable, non seulement pour des raisons économiques mais aussi sociales, car repousser l’âge de la retraite modifie les comportements des salariés et des employeurs.

Maxime Sbaihi, Club Landoy et Institut Montagne

Les données démographiques françaises révèlent que pour la première fois, les plus de 60 ans sont plus nombreux que les moins de 20 ans. La population active, notamment les 50-64 ans, constitue un tiers de la population active totale, un phénomène inédit.

Les départs massifs à la retraite dans certains métiers critiques (aides à domicile, infirmiers, enseignants, agents d’entretien) coïncident avec une demande croissante, notamment dans les services à la personne. Ce déséquilibre crée des tensions fortes sur le marché du travail.

Par ailleurs, la population active commence à décliner dans certaines régions rurales, accentuant les disparités territoriales. La génération du baby-boom, qui a fortement marqué la démographie française, entre désormais dans la tranche d’âge critique pour l’emploi des seniors.

Focus sur les femmes seniors : Florence Chaper (ANCT) et Sophie Fenot (Force Femmes)

Florence Chaper, co-rapporteure ANCT

Les questions de genre ont longtemps été absentes des réflexions sur le vieillissement au travail. Aujourd’hui, les femmes seniors présentent un taux d’emploi légèrement inférieur à celui des hommes, mais leur taux est dans la moyenne européenne, contrairement aux hommes.


Ces travailleuses expérimentées sont plus souvent en temps partiel subi, dans des emplois précaires et à forte pénibilité psychosociale (soins, nettoyage, accueil). La ségrégation professionnelle s’accentue en fin de carrière, réduisant les possibilités d’adaptation.


La ménopause, sujet encore tabou en France, impacte significativement la santé au travail des femmes seniors. Elle entraîne absentéisme, temps partiel et départs précoces, aggravés par des conditions de travail difficiles (travail de nuit, environnement inadapté, stress). Des exemples internationaux, notamment au Royaume-Uni, montrent l’intérêt d’intégrer cette problématique dans les politiques de santé au travail.

Sophie Fenot, Force Femmes

Force Femmes accompagne des femmes de plus de 45 ans, majoritairement cadres dans des fonctions support, confrontées à une rupture professionnelle autour de 50 ans. Ces femmes doivent réapprendre les codes du marché du travail, notamment numériques, et font face à des stéréotypes liés à l’âge.


La perte de confiance et l’isolement sont majeurs, renforcés par la difficulté des managers plus jeunes à intégrer ces profils seniors. Les ateliers collectifs et le mentorat inversé proposés par Force Femmes permettent de restaurer la confiance et de changer les regards.


Près d’une femme sur deux accompagnée retrouve un emploi, souvent en dessous de ses compétences initiales, tandis que 30 % se tournent vers la création d’entreprise pour se réinventer.


Regards internationaux et pratiques d’entreprises : table ronde animée par Florence Bonnevay

Florence Bonnevay a animé une séquence réunissant quatre experts : Karima Silvent (DRH Groupe AXA), Stéphane Dubois (DRH Safran), Dominique Laurent (Senior VP RH Schneider Electric France) et Jean-Christophe Sciberras (coordinateur Global Deal France).


Jean-Christophe Sciberras (Global Deal France)

L’enquête menée dans une trentaine de multinationales dans six pays comparables à la France révèle un décrochage majeur en France à partir de 60 ans : les filiales françaises emploient jusqu’à trois fois moins de salariés de 60-64 ans que leurs homologues allemandes ou japonaises, dans les mêmes entreprises et conditions.

Cette différence s’explique par les cadres légaux, le niveau de remplacement des retraites, la pénurie de main-d’œuvre, mais aussi par des pratiques sociales et culturelles. La France se distingue par un dialogue social structuré avec 85 % des entreprises disposant d’accords seniors, mais la formation ciblée reste faible (20 % des 55+ formés contre 45 % en Allemagne).

Le cumul emploi-retraite et le temps partiel différencié sont sous-utilisés en France, alors que les entreprises françaises du Global Deal développent des politiques d’aide aux aidants et de suivi santé plus fréquents pour les seniors.


Karima Silvent (AXA)

La politique en faveur des plus de 50 ans chez AXA est née d’une double prise de conscience : la diversité et l’inclusion, révélées par une enquête mondiale où l’âge apparaît comme la première source de stéréotypes, et la réalité démographique, avec 30 % des collaborateurs européens de plus de 50 ans dans certains métiers critiques.

La campagne interne « L’audace n’a pas d’âge » vise à déconstruire les stéréotypes liés à l’âge. AXA a mis en place des bilans santé complets tous les trois ans à partir de 40 ans, ainsi qu’une politique mondiale d’aide aux aidants familiaux, majoritairement des femmes (66 % des congés aidants).

Cette politique est portée par les dirigeants, avec un engagement fort des directeurs généraux, et déployée progressivement en Europe, notamment en Allemagne et en Italie.

Stéphane Dubois (Safran)

Pour ce groupe industriel, la compétence construite dans le temps est essentielle. Safran anticipe dès 50 ans avec des bilans médicaux systématiques, des parcours personnalisés de maintien ou de reconversion, et des écoles de production pour pallier les tensions de recrutement.

L’équilibre de la pyramide des âges (un tiers par tranche 25-35 ans, 35-50 ans, 50-65 ans) assure la transmission des savoir-faire. Cette anticipation rend la question du départ à 60 ans quasiment obsolète.

Dominique Laurent (Schneider Electric)

Schneider Electric, présent dans 100 pays, a développé une approche par « personnas » pour les seniors, identifiant quatre profils : Claire (continuer), Thierry (transmettre), Alba (accélérer), Pierre (préparer sa retraite). Cette grille permet à chaque salarié de se reconnaître et de construire un parcours adapté avec son manager.

Un observatoire paritaire des seniors suit 20 indicateurs socio-RH, couvrant l’accès à la formation, l’engagement et la rémunération variable. La communication interne est primordiale pour déployer ces politiques, qui nécessitent modestie et action.


Échanges avec le public : réalités et défis

Les intervenants ont reconnu que les plans sociaux passés ont favorisé les départs précoces, mais que la tendance évolue vers la préservation des compétences seniors. Le phénomène d’«



» – déformation durable suite à un choc – explique la difficulté à changer les mentalités, notamment la perception erronée du coût élevé des seniors.


La nécessité de convaincre toutes les strates de l’entreprise, pas seulement les DRH, a été soulignée. Les RH jouent le rôle de courroie de transmission vers les managers, qui doivent être formés et outillés pour intégrer les seniors.

Conclusion : une mobilisation collective indispensable

L’emploi des seniors constitue un enjeu économique, social et humain majeur, nécessitant la mobilisation de l’État, des entreprises, des partenaires sociaux et de la société civile. Les seniors représentent une richesse en compétences et expérience, et les politiques doivent être personnalisées, anticipées et intégrées dans un dialogue social constructif.


Horizons Porteurs : une exploration des pratiques internationales

Dans ce contexte, mon initiative Horizons Porteurs vise à documenter, analyser et diffuser les bonnes pratiques internationales en matière d’emploi des seniors, en complément des expériences françaises présentées.


L’objectif est d’accompagner entreprises et territoires dans la mise en œuvre de politiques adaptées, innovantes et durables, s’appuyant sur les enseignements tirés des pays ayant déjà relevé ces défis.


Horizons Porteurs est signataire en 2025 de la charte "50+" du Club Landoy.


Le replay de la matinée est disponible : https://bit.ly/43aILCV


Sources : transcription intégrale de la table ronde organisée par le ministère du Travail, interventions des experts et DRH, données officielles DARES, INSEE, France Stratégie, Global Deal France.


 
 
 

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