Hervé Degas

Dire "chiche", c’est oser, tenter, se réinventer. C’est ce qu’Hervé a fait, à plusieurs reprises, avec courage et humilité. À 59 ans, il prouve qu’il n’est jamais trop tard pour repartir de zéro et façonner son propre destin, lame après lame. Et si son parcours nous apprend une chose, c’est que chaque tranche de vie, aussi imprévue soit-elle, peut nous ramener à ce que nous sommes, profondément.

Il fut un temps où Hervé maniait les chiffres et les stratégies commerciales avec brio. Aujourd'hui, c'est l'acier qu'il façonne avec précision. À 58 ans, il a troqué les salles de réunion parisiennes pour un atelier de coutellerie dans le Puy-de-Dôme, une reconversion qui allie tradition et créativité, précision et passion.

Issu d’une famille d'autodidactes, où l’apprentissage passait davantage par l’expérience que par les études, Hervé a suivi un parcours scolaire au sein de Grenoble École de Management, qui l’a mené à une première partie de carrière en vente sur des projets transversaux ambitieux. Son talent et son audace lui ont permis de gravir rapidement les échelons, jusqu'à occuper des postes à responsabilités. 

Mais derrière cette ascension professionnelle se cachaient une pression constante, une charge mentale écrasante et, sur ce chemin, un infarctus qui lui a servi d'alerte, à l'âge de 38 ans.

Après une période de convalescence, il a dû faire face à une réalité brutale : dans le monde de l'entreprise, on vous oublie rapidement et le retour à son poste s'est fait avec une réduction de ses responsabilités. 

Non pas du fait de son âge, mais du fait de son accident cardiaque qui, pour certains, était le signe d'une incapacité programmée. Peu à peu, l'évidence s'est imposée : il était temps de changer de cap.

Après un Master en "Management des RH et diagnostic social" au CELSA, Hervé entame, à la quarantaine, une première reconversion dans les ressources humaines, un domaine qui lui permet de porter davantage attention aux personnes qu'aux chiffres. 

Il lance son activité de conseil et d'accompagnement mais, à partir de 2008, l'instabilité économique sonne progressivement le glas de son activité et, après une période de précarité, le conduit finalement à sa deuxième reconversion, marquée par un engagement plus profond : l'aide à domicile pour les personnes dépendantes où il découvre une réalité sociale souvent occultée. 

Pendant près de neuf ans, il accompagne celles et ceux qui en ont le plus besoin, découvrant la dure réalité de la solitude et de la précarité de nos anciens. Cette expérience l'a profondément marquée tout en lui permettant de se reconnecter avec ses valeurs humaines.

Mais une nouvelle épreuve l‘attend : la maladie de celle qui l'accompagnait depuis près de vingt ans, atteinte d'un cancer. Pendant trois ans, ses journées ont été rythmées par son travail auprès des personnes âgées et le soutien à sa compagne, jusqu'à sa disparition, en 2022. Une tranche de vie marquée par une situation d’aidance, dont on sait qu'elle est aujourd’hui un enjeu majeur dans un contexte de vieillissement accéléré de la population, en France comme dans le monde.

C'est dans ce contexte de profonde remise en question qu'Hervé a redécouvert une passion datant de l'adolescence, la coutellerie, le travail du métal et des matériaux, sans jamais imaginer en faire un jour son métier.

Pourtant, en 2021, une visite à Thiers, capitale de la coutellerie, change tout. Les premiers aiguisages, des montages de couteaux en kit, des premiers croquis dans un coin de son appartement lui offrent un espace de respiration et de réflexion dans un quotidien humainement difficile.

De rencontres en rencontres, celui qui n’était, depuis l’adolescence, que collectionneur amateur, se dirige progressivement vers ce qui ressemble à une nouvelle voie professionnelle possible. 

Après le décès de sa compagne, Il quitte Paris pour le Puy-de-Dôme et croise le chemin de Guillaume Antoniucci, jeune coutelier renommé, qui lui transmet les techniques traditionnelles de ce métier pendant 7 mois. Hervé y apprend à toutes les bases puis à créer ses propres modèles et à collaborer sur ceux des autres. Il participe même à des salons internationaux aux côtés de son mentor.

Hervé trouve dans cet artisanat un moyen de se reconnecter à une réalité plus authentique et de mettre en pratique des savoirs et savoirs-faire ancestraux, de créer des objets uniques.

Fort de cette expérience proche du compagnonnage, il devient officiellement coutelier en avril 2024,  et commence à créer ses propres modèles. Mêlant savoir-faire et innovation, il développe son style et ses propres lignes, jusqu'à concevoir le couteau de sa commune d’adoption, Champeix, en janvier 2025. 

Une commande qui lui permet de passer un nouveau cap dans son activité, collaborer avec des industriels locaux et travailler sur de nouvelles créations originales tout en offrant une gamme de produits accessibles. Et c’est son ancien métier de commercial et marketer qui va, aujourd’hui, lui permettre de faire prospérer sa nouvelle activité !

Hervé ne cherche pas seulement à produire de beaux objets, mais à leur donner une âme. Son parcours est une véritable leçon de courage, de résilience et de passion. 

Je lui souhaite que chaque couteau raconte une tranche de son histoire qui parlera et accompagnera toutes celles et ceux qui tiendront sa prochaine collection en main.